La vraie cuisine est une forme d'art. Un cadeau à partager.
Oprah Winfrey
La cuisine traditionnelle arménienne est l'une des plus anciennes au monde dont témoignent plusieurs historiens de différentes époques et des ethnographes de différentes nations. Elle a un certain nombre de caractéristiques qui sont dues à divers facteurs historiques, géographiques, climatiques et même historico-politiques. La cuisine arménienne est toujours influencée par les facteurs géopolitiques et sociaux de l'époque.
Dans les temps anciens, en particulier à l'époque du Royaume de Van (IXe-VIe siècles avant J.-C.), située dans les hauts plateaux arméniens, la population vivant sur le territoire de l'Arménie s'occupait de l'agriculture, de l'élevage et de la transformation des aliments préparés à partir de produits agricoles. Les fouilles de Karmir Blur (Colline Rouge - forteresse de Teishebani) ont fourni des informations précieuses sur la nature des régimes alimentaires acceptés dans l'ancienne Arménie. A cette époque, l'agriculture était à un niveau élevé. Pendant les fouilles, de grands entrepôts, des pots remplis de céréales, des conteneurs spéciaux pour la fabrication de bière ont été trouvés.
Les inscriptions cunéiformes du Royaume de Van témoignent également du fort développement de la viticulture et de la vinification. Durant les fouilles, de grandes caves à vin, un grand nombre de pots en argile contenant de grandes quantités de vin, une grande variété de cépages ont été découverts. Les Urartiens utilisaient largement le fumage au soufre des pots.
Plusieurs trouvailles témoignent du fait que les Urartiens mangeaient de la viande de mouton, de bœuf, de chèvre, de porc, de buffle et de volaille. Il était bien développé l'industrie laitière dont témoignent les barattes trouves lors des fouilles de Karmir Blur.
Le grand nombre de produits céréaliers découverts lors des fouilles de la forteresse de Teishebani témoigne du fait qu'il y a plus de 2,5 mille ans, plusieurs variétés de blé à haut rendement et à faible grain, une grande quantité d'orge étaient cultivées dans le Royaume de Van. Les habitants du Royaume de Van cultivaient l'orge et l’utilisaient dans la fabrication de la bière. Outre l'orge, on utilisait le millet comme matière première pour la bière. Les premiers fabricants de la bière étaient les Arméniens dont témoigne l'historien antique grec Xénophon (Ve-IVe siècles avant J.-C.). Lors de ses voyages en Arménie, il a donné la description suivante à la population locale. "... il y avait des chèvres, des moutons, des vaches et des oiseaux dans la maison avec leurs petits." Le blé, l'orge, les légumes et le vin d'orge y étaient stockés. L'orge flottait à la surface du vin, égale aux bords de la grange, et avait de grands et petits roseaux en eux, mais sans nœuds. Celui qui voulait boire devait prendre ce roseau dans sa bouche et d'en sucer le vin''.
Les fouilles de Karmir Blur ont montré que dans le royaume de Van, les Urartiens utilisaient également le millet comme nutriment. On en cultivait principalement deux types: millet ordinaire et millet européen ou de type italien, appelé "ghomi". En 1948, des restes de pain cuit avec de la farine de millet moulue ont été trouvés ainsi qu'une grande quantité de nourriture. Le pain de cette époque était ovale, avec des bords épais et un trou au milieu.
Diverses combinaisons de blé, de pois et de sésame ont été trouvées au cours des fouilles. Les Arméniens cultivaient également le sésame lors des invasions d'Alexandre le Grand. Dans son témoignage l'historien Quintus Curtius Rufus (vers 54-41 av. J.-C.) a décrit le suivant: "…Alexandre le Grand a déjà traversé le Caucase ... Au lieu de l'huile, les Macédoniens ont oint les corps avec le jus de la plante de sésame, c'est-à-dire avec de l'huile de sésame, une taille de ce jus a coûté deux cent quarante dinars".
Outre l’histoire et les particularités de la cuisine arménienne, nous devons souligner le fait que dans la culture arménienne, la cuisine est étroitement liée à l'hospitalité, car les Arméniens sont seuls au monde, ayant dans leur mythologie le dieu de l'hospitalité, Vanatour. Le dieu païen symbolisait la nouvelle année et les nouveaux fruits qu'il apportait et il était considéré comme le patron des pèlerins, des voyageurs étrangers, qui leur accueillait et donnait d'asile.
Ci-dessous, vous vous familiariserez avec les plus célèbres plats traditionnels de la cuisine de ce peuple hospitaliers, dont le gout reste longtemps en bouche une fois dégusté.
Tolma (Dolma)
L'etymologie de mot "tolma" provient des mots urartiens "toli" ou "oudouli", qui signifient "feuille de vigne". Les recettes anciennes montrent qu'au début, il n'était enveloppé que par la feuille de la vigne, ultérieurement, par les feuilles du chou, des légumes (poivron, aubergine, tomate, etc), du coing, des haricots et du cassis. La première recette du dolma remonte au VIIIe siècle. Il existe de nombreux dolmas, comme Pasut dolma (dolma à jeun, préparé a base de céréales, ainsi que des fruits secs), dolma "à viande" avec le riz, les épices et les fines herbes. Le Pasut dolma est considéré comme un plat festif et dans les temps anciens, on le préparait au printemps, ce qui symbolisait le début de l'année agricole.
Chaque année depuis 2011, le Festival traditionnel de dolma a lieu en Arménie, dont le principal objectif est d'assurer la vulgarisation du plat traditionnel arménien, le dolma, et de renforcer les valeurs intangibles de la culture arménienne, la cuisine arménienne. Plus de 50 types de dolma sont présentés pendant le festival, ainsi que le plus long dolma est préparé pendant le festival.
Harissa
Les racines de Harissa sont très anciennes, dans les temps anciens, elle s'appelait ''khashika''.
L'étymologie du mot nous donne une légende arménienne: lorsque Grégoire l'Illuminateur (Grigor Lousavoritch), est sorti de Khor Virap (de la Fosse Profonde) et est venu à Vagharshapat, il a commencé à prêcher pendant 60 jours aux Arméniens païens, qui l'ont écouté avec intérêt. Afin de nourrir les pauvres, il a ordonné aux villageois d'apporter beaucoup d'huile et de moutons. Lorsque ces derniers ont apporté l'huile et les moutons, Grégoire a ordonné d'abattre les moutons. Puis, ils ont mis de gros pots sur les feux, y ont mis de la viande et de la semoule. Puis, Grégoire a ordonné aux braves aux bras vigoureux de mélanger la viande dans le pot, en disant: "Hareq zsa'', c'est-a-dire ''Fouettez cela!". Voilà, d'où le nom du plat est resté Harissa.
Jadis, la préparation de harissa était une cérémonie de sacrifice. Il a été cuit pendant toute la nuit sur un tonir (tondir) à feu doux pour servir le matin.
Harissa a également de nombreuses variétés. Pendant le carême, le harissa est préparé à partir de céréales, de plantes sauvages comestibles.
Harisa a un passé historique et une signification pour les habitants de Musaler (Musa Dagh). Pendant la bataille héroïque de Musa Dagh contre les Turcs en 1915, les Musalertsis assiégés avaient de la viande de chèvre et du blé. Avec ces ingrédients, ils ont préparé la soupe. Harissa était leur seule source de nourriture et était vitale pour leur survie. Chaque année, le dimanche suivant le 12 septembre, célébrant l'héroïsme de leurs courageux ancêtres et se souvenant des victimes de cette autodéfense, les descendants du peuple Musaler escaladent la colline près du village, symbolisant le mont Musa, abattent un agneau, brûlent un foyer et cuisinent de la harissa toute la nuit.
Ghapama
Le ghapama est un dessert rituel arménien traditionnel, ayant différentes méthodes de cuisson. Auparavant, il était servi lors des mariages pour rendre la vie des jeunes mariés tout aussi douce, riche et colorée, que ce plat.
À l'époque, le noyau était également composé de gruau, de viande, de fruits frais, mais la version la plus populaire est le riz farci avec les fruits secs, les noix et le miel dans la citrouille. Le Ghapama est cuit dans un pot en argile, dans un tonir. Selon la légende, la citrouille symbolise la terre, le riz symbolise l'humanité et les fruits secs et les noix symbolisent des personnes de confessions et de nationalités différentes. Le Ghapama a été créé pour apporter la paix et la bonté au monde.
Les Arméniens aimaient tellement le ghapama qu'ils l'ont même consacré une chanson: ''Hey, djan, Ghapama''. Jusqu’à nos jours, ce plat est servi à la veille du Nouvel An, aux Pâques, durant les mariages et les anniversaires, et est apporté à la table avec la cérémonie, en chantant ''Hey, djan Ghapama, hamov, hotov Ghapama, meghre medje Ghapama'' - "Hey, cher ghapama, savoureux ghapama, hey, cher ghapama, le miel dans le ghapama."
Khash
Khash est l’un des anciens plats arméniens qui s'est ensuite propagé au Caucase et à la Transcaucasie. L’étymologie du nom du plat provient des mots "kharsh" ou "khashel" (cuire).
Les traditions de manger du khash remontent aux temps anciens, mais au fil des siècles, les méthodes de cuisson n'ont pas changé. D’après la légende, le khash était considéré comme la nourriture des pauvres. Lorsque les riches abattaient les animaux, ils prenaient la viande et donnaient les pieds et les intestins aux pauvres. Et les pauvres gens les cuisinaient et mangeaient dissimulé le matin pour que personne ne remarque.
La saison de khash en Arménie s'ouvre à la fin de l'automne, pendant les premiers jours froids, et se poursuit jusqu'aux jours chauds. L'hiver froid est le moment idéal pour manger du khash plus souvent. Généralement, le khash est servi avec la vodka froide, l'eau de source ou minérale, le radis, le poivre piquant, la marinade, les légumes verts, le fromage et bien sûr du sel, ainsi que le lavash sec, qui est ajouté en grande quantité dans le khash avec l'ail écrasé.
Zhingialov Hac
Le Zhingialov Hac (pain avec zhingial) est un plat arménien composé d'environ 25 types de fines herbes (comme de l’oignon vert, de l’ail vert, de la coriandre, de la rhubarbe, la menthe, de l’ortie, des fleurs violettes, de l’aneth, etc), qui sont finement hachés et assaisonnées du sel, de l'huile et du poivre. La pâte à pain Zhengyalov est faite de farine, de sel et d'eau. Les fines herbes placés dans le pain sont appelés zhengyal et peuvent varier selon la période de cuisson et le goût. Le mélange des fines herbes est ajouté à la pâte, les bords de la pâte sont fermés, puis, le pain zhingialov est cuit dans le four préchauffé, appelé "saj", durant quelques minutes.
Le pain Zhengyalov peut être servi avec du vin rouge, de la bière ou du than (le babeurre).
Gata
Le Gata, cette confiserie nationale arménienne a été mentionnée pour la première fois dans la fable "Le cochon et le Gata" du fabuliste et prêcheur arménien du XIIe siècle, Vardan Aygektsi.
Dans les temps anciens, les Arméniens cuisaient le gata dans le tonir. Après avoir cuit une grande quantité de lavash, le four chaud a été utilisé pour d'autres plats et sucreries. La pâte de gata se compose de beurre, de farine et de yaourt, et le khoriz (le fourrage) se compose de beurre et de sucre, en ajoutant parfois des noix.
Selon les ethnographes, jadis, les anciens Arméniens décoraient la surface du gata par les symboles spéciaux, souvent des croix, à l'aide d'un couteau ou d'une fourchette afin de protéger la famille du mauvais œil. Le gata symbolisait la force de la famille, et voilà pourquoi lors des mariages, la belle-mère danse avec gata, en le tournant au-dessus des têtes des jeunes mariés.
Les Arméniens préparent le gata durant les fêtes de Nouvel An et de Barekendan (Mardi gras). Dedans le gata, il était caché le midjink, une petite pièce. Le gata était divisé également entre les membres de la famille, et pour la personne qui recevait la pièce, l'année aurait été réussie. Cette confiserie arménienne est souvent servie avec du thé ou du café.
La cuisine traditionnelle fait partie de la mentalité et de la culture nationales à travers lesquelles le pays et le peuple sont reconnus. Un voyage en Arménie permettrait de découvrir une partie des plats et des saveurs du pays.