Avez-vous déjà eu la chance de vous vous retrouver dans un village arménien, d’être présent au processus de la préparation du pain arménien, de vous vous plonger dans l’odeur unique des pains et de ressentir l’authenticité arménienne ? Il faut absolument oser cette expérience, mais avant cela découvrons l’une des parties inséparables de la culture arménienne : le tonir. Tonir est un type de four souterrain de forme cylindrique à l'argile pour la préparation du pain. Il est étroit en haut, bombé au milieu et large en bas. Tonir est répandu dans le Caucase, en Asie Centrale, en Asie Mineure, en Perse, en Inde, en Grèce et ailleurs.
Les premiers spécimens de tonir datant de l'âge du bronze ont été trouvés en Arménie dans les mausolées du village de Lchashen, dans la ville d’Artashat, dans la ville de Dvin et dans d'autres sites antiques. La forme la plus rependue est de 40 à 60 cm de diamètre avec une profondeur de 1.2 à 1.5 m.
Les murs des premiers tonirs étaient construits de terre, d'argile qu’on séchait sous le soleil. La place où se trouvait le tonir s’appelait «tonratoun». Les bâtiments en pierre à plusieurs étages de l'ancien village arménien comprenaient la tonratoun-cuisine, la cave, les chambres, les granges, l’étable et d'autres pièces. Le tonratoun était la partie la plus importante de la maison. Généralement on comptait 2 tonratoun dans chaque maison : le grand était pour la préparation du pain et le petit pour le chauffage de l'eau et des plats. Il y avait des buffets-fenêtres creusés dans les murs ou on préservait les ustensiles de cuisine.
Tonratoun servait également de l’abri pour les familles. Des vieillards et des enfants dormaient autour du tonir, une chambre séparée était construite pour les jeunes mariés. Toutes les chambres étaient reliées au tonratoun par une porte, car c'était la principale source de chaleur.
Tonratun jouait un rôle de cuisine, on y préparait une large variété de plats arméniens : barbecue (agneau, perdrix, dinde, porc, veau, etc.), harissa (plat avec des grains de semoule, de la viande), pilaf, ghapama, divers gâteaux et pâtisseries, pains rituels. Ce n'est pas un secret que tout ce qui est préparé sur le feu est beaucoup plus savoureux et plus facile à digérer.
Le tonir devrait toujours être maintenu propre. Les mauvais mots et les jurons étaient interdits autour du tonir. Autrefois, juste après la préparation du pain, quand la chaleur du feu était encore dans le tonir, les membres de la famille se rassemblaient autour du tonir et pendaient les pieds dans ce dernier, cela guérissait également les malades. Une fois que les membres de la famille sont autour du tonir, la personne la plus âgée raconte des contes et des légendes aux plus jeunes : voici le portrait de la famille arménienne.
Le tonratun était également un atelier, où presque tout le travail de la laine et de l'argile était effectué. Auparavant, les hommes se réunissaient dans le tonratoun, mais maintenant il est devenu un endroit purement féminin. Il est à noter que pendant des siècles, le pain ou le lavash préparés à base de différents types de céréales étaient le principal aliment des Arméniens. Dans les temps anciens, le boulanger était considéré comme une personne inviolable. Aucun vainqueur, consanguin ou étranger, ne tuait pas un homme qui préparait du pain, c'est la raison pour laquelle lors de l'attaque des ennemies, les boulangers n'avaient pas peur d’être martyrisés, ne pensaient pas à se cacher ou à fuir pour se sauver la vie.
La légende raconte : le massif volcanique Tondrak des montagnes Tsaghkunyats est le prototype du tonir. Tondrak est un volcan circulaire conique. Selon la légende, lorsque le dieu Vahagn enseignait l'art de la guerre aux Rapyans Arméniens (femmes et hommes géants), après chaque entraînement ils se rassemblaient autour du feu du volcan Tondrak discutaient, cuisaient du pain et le mangeaient. Et un jour, Vahagn a pris de la cendre du feu de Tondrak et les a donné aux géants, en leur ordonnant de la transmettre aux gens afin qu'ils puissent préparer du tondir et cuire du pain, et a ordonné aux femmes de garder le feu de tonir toujours vif. A partir de ce moment-là, Vahagn surveille que le feu du tonir ne s'éteigne jamais.
Le feu du tonir souterrain et la fumée sont les symboles de la force et de la paix du foyer. Les Arméniens comparaient le tonir avec le soleil couché. Chaque fois, quand les femmes arméniennes préparaient du pain ou des aliments, s'inclinaient devant le tonir comme devant une divinité.
Le folklore raconte qu'il y a plusieurs d'années que dans les fonderies de Metsamor, des objets en acier (pour les mettre sur le feu et préparer du pain), étaient distribués aux Arméniens pour que tout le monde puisse préparer du pain. Une fois que le roi Noir assyrien a conquis le pays arménien, il ordonne de ramasser tous les objets en acier ayant pour but d’anéantir tous les Arméniens. Les gens terrifiés ont remis les objets aux soldats qui menaçaient les décapiter et alors l'ingéniosité du peuple est venue à la rescousse et juste pendant cette période-là les Arméniens ont décidé de préparer dans chaque maison un four d'argile souterrain : un tonir, pour qu'aucun tyran ne puisse les ôter. Le roi assyrien supposait que les Arméniens ne vivraient pas longtemps avec le pain de tonir, mais il a eu tort et le tonir existe toujours dans la mode de vie du peuple arménien.
Dans le passé, même les mariages étaient organisés au tonratoun. Les jeunes mariés tournaient autour du tonir, puis s'embrassaient. Ensuite, la mariée prenait une poignée de cendres du tonir paternel et la mettait dans sa poche. Lorsqu'ils entraient dans la maison du gendre, le couple tournait d'abord trois fois autour du foyer et du tonir, puis s’agenouillait et embrassait le foyer et le tonir. La mariée versait la cendre paternelle dans le tonir, et elle s’attachait donc à ce foyer sacré jusqu'à la mort.
Aujourd'hui, le tonir a perdu un petit peu son rôle d’autrefois, mais dans les zones rurales, il reste encore comme un four de création du pain, un lieu de rassemblement pour les femmes voisines, un endroit pour partager une bouchée, bavarder et se réchauffer à la fois. Si vous avez la chance de vous vous retrouver dans un village arménien, vous pouvez trouver facilement le tonratun avec l'odeur sensuelle du pain frais et y entrer de pied ferme. Soyez sûrs, que vous sentirez le goût unique du lavash (pain traditionnel arménien) aromatique et des douces conversations arméniennes...